Non à la mort programmée des langues vivantes

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Professeur
Visiteur

#4

2015-05-07 09:47

Issue d'une région frontalière avec la Suisse (le Doubs) et ayant également une proximité avec l'Allemagne, beaucoup d'élèves du collège où j'enseigne l'anglais choisissent la classe bilangue. Comme ce collège se situe en milieu rural, nous ne rencontrons pas de difficultés majeures donc les élèves choisissant la classe bilangue sont issus de CSP (catégories socio-professionnelles) variées. Ils font ce choix car ils savent que leur avenir professionnel peut les amener à travailler en Suisse où l'allemand est un pré-requis pour quasiment tout emploi ou travailler en Allemagne. On sait aussi qu'apprendre l'allemand en LV2 ne donne que très rarement, voire jamais un niveau LV1 en fin de 3ème et ce n'est pas la demi-heure en plus de la réfore qui va changer cela...
De plus, dans les nouveaux textes on nous dit que les classes bilangues peuvent être maintenues uniquement dans les écoles primaires où l'allemand est enseigné. Dans notre département, elles disparaîtraient complètement pour la simple raison que les professeurs des écoles qui, pour certains, ne sont même pas au point avec l'anglais qu'on les oblige à enseigner, n'offrent qu'en très petite minorité l'allemand. Je n'ai pas de chiffres à donner mais je serai curieuse de savoir combien de professeurs des écoles arrivent sur le marché de l'éducation avec une certification en allemand. Dans l'école où vont mes enfants il n'y en a aucun. Dans les écoles primaires qui sont sur le bassin de recrutement de notre collège, il n'y a pas un seul enseignant avec une certification en allemand et si tant est qu'il y en ait un, comment pourrait-on commencer avec l'allemand en CE et continuer avec l'anglais en CM car ce n'est plus le même professeur ? Réponse possible : le professeur qui a la certification en allemand enseigne à toute l'école s'il est d'accord bien sûr et s'il s'en sent capable car avoir la certification n'est pas un gage de qualité (ceux qui ont une licence en langue ou ceux qui ont fait des stages dans le pays de la langue enseignée sont au top mais tous n'y ont pas eu droit ou n'ont tout simplement pas eu l'envie). Donc si l'on trouve l'enseignant volontaire ce peut être une possibilité de maintenir l'allemand en primaire en ville. En revanche, il ne faut pas oublier que dans les zones rurales, il y a ce que l'on appelle des RPI (regroupement pédagogique intercommunal) et les écoles sont séparés par des kilomètres ce qui empêche un éventuel enseignement des langues par un seul professeur des écoles.
Je ne suis pas entièrement opposée à cette réforme, elle propose de bonnes idées mais comme d'habitude, on déshabille Paul pour habiller Jacques donc dans ces conditions une réforme ne peut être réussie.

Réponses


Anonyme

#5 Re:

2015-05-07 10:27:29

#4: -  

 Merci pour ces précisions sur l'enseignement des LV en primaire en zone frontalière et notamment en milieu rural.

Dans les discours, on a l'impression que les régions frontalières sauveraient leurs bilangues, on voit bien qu'il n'en est rien ! Me permettez-vous de faire circuler les informations que vous rapportez ? 

Profession professeur

#7 Re:

2015-05-07 12:38:30

#4: Professeur -  

 Cher collègue,

 

Vos informations sur les régions frontalières sont particulièrement instructives. Par ailleurs, je partage votre prudence : il ne convient pas de rejeter en bloc et sans discernement une réforme. J'ai cependant du mal à voir exactement les "bonnes idées" que vous lui prêtez car, au-delà, des problèmes horaires bien réels, il y a, aussi, toute une stratégie, comme les auteurs de la lettre ouverte le précisent d'emblée.

On envisage un renforcement de l'interdisciplinarité. Pourquoi pas, en effet ? Seulement, celle-ci ne suppose-t-elle pas, au préalable, une bonne maîtrise disciplinaire, pas si aisée à acquérir ? Si elle lui tourne le dos ou se présente comme porte d'entrée suffisante à cette dernière (cf., en particulier, les EPI ou la globalisation de l'enseignement scientifique), ne tombe-t-on pas dans le flou, le mou et l'arbitraire ?

On insiste sur "la pédagogie de projet"mais lorsque celle-ci est généralisée on aboutit à des monstruosités comme on ne le voit que trop, surtout quand elle est rendue obligatoire, en L.P. ou série STI2D au lycée : limitation de l'acquisition du savoir à quelques finalités pratiques bien définies censées (à tort) intéresser les élèves - on les considère facilement comme des mouches qu'on ne pourrait attirer qu'avec de la confiture - ou inféodation de l'individu au groupe auquel il est sommé de se fondre quitte à limiter ses qualités, ses goûts personnels et ses efforts (avec l'effort, on n'a affaire qu'à soi-même).

Encore une fois, l'interdisciplinarité et même le travail en petits groupes (en langues notamment) peut présenter un intérêt mais s'ils sont institutionnalisés, le professeur n'est plus libre de ses méthodes, sa propre culture n'importe plus et, enfin, il dépend de la politique locale de son établissement. 

C'est bien en cela que le projet de réforme modifie en profondeur l'institution scolaire et son sens.

 

Bien cordialement.