Manifeste affirmant le caractère un et divers de la langue d'Oc

J F Brun

/ #120 Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Noouvelle signature

2012-09-07 00:39

#117: DanièlOlivar - Re: Re: Re: Re: Re: Re: Noouvelle signature 

Je réponds encore une fois en mon nom personnel, puisque notre collègue Gourgaud me questionne, mais je rappelle que ce manifeste est une oeuvre collective.  

Effectivement, je pense que la graphie Occitane va parfaitement à mon languedocien. Dès 1870 des auteurs comme Roque Ferrier développaient une graphie du montpelliérain qui l'annonçait largement.

Je pense qu'il y a aussi un aspect affectif très respectable: pour les beaux textes de Mistral, Aubanel, d'Arbaud, etc... la graphie mistralienne fait partie de leur esthétique, c'est indéniable. Je comprends que des provençaux soient peinés de voir ces textes vêtus autrement, c'est une manière d'écrire très élégante, et qu'encore une fois je respecte.

C'est vrai que je la respecte surtout pour le Provençal, pour ces raisons historiques et esthético-affectives. Pour ma pert je sacrifie volontiers certains détails phonétiques de mon dialecte pour m'adresser à un public "dis Aup i Pirenèu", et si je m'amusais à écrire comme Roque Ferrier ou Dezeuze je n'aurais guère de chance d'y parvenir, je n'aurais tout simplement aucun lectorat et même aucune possibilité d'être édité. Honnêtement, en ce qui me concerne, je pense que la graphie occitane donne plus de dignité à mon texte et n'ôte aucune authenticité à ma langue. Au lieu de borner mon horizon au Pic Saint Loup, au Vidourle et à l'Hérault, je me retrouve en compagnie des troubadours du XIIe siècle, et de centaines d'auteurs gascons, nord-occitans, provençaux...

De plus, écrire phonétiquement chaque parler aboutit vraiment à donner l'impression qu'il s'agit de langues très différentes, alors qu'en parlant on se rend compte que les différences sont bien moindres et qu'on se comprend très bien. Donc je défends tout à fait pour des raisons culturelles et historiques la graphie mistralienne du Provençal, mais je ne suis guère enthousiaste pour la réintroduire dans les autres parlers où elle a été généralement abandonnée. Et en ce qui concerne la Gascogne, on est impressionné de lire au XVIe siècle le magnifique langage d'Arnaud de Salettes et de Pey de Garros, une vraie langue classique, dans la graphie que vous qualifiez de médiévale, et adaptée sans effort à la langue moderne.

C'est vrai que la graphie occitane recrée un espace de culture panoccitan. Et c'est grâce à cela que nous pouvons écrire et toucher un public, souvent enthousiaste.

Car là est le miracle: dans les années 70-80 nous écrivions dans l'absolu, personne ne lisait, c'était assez terrible même si nous y croyions... Mais en 2012 nos livres ont des lecteurs, pas des milliers, mais des centaines, c'est un phénomène nouveau issu de cette dynamique panoccitane. Et pour quelqu'un qui a écrit trente ans dans la solitude, c'est assez extraordinaire de vivre cela.

C'est une des raisons qui font qu'un noyau d'écrivains a entrepris de se réunir en reformant une section du PEN. La langue ne se parle plus dans les villages mais la littérature fonctionne de plus en plus. Nous voulons créer une dynamique autour de ce phénomène. Cela n'a rien à voir avec quelque projet politique satanique (d'ailleurs je n'ai pas très bien compris ce que vous reprochez aux occitanistes, d'être fascistes, communistes, séparatistes ou tout cela à la fois, les accusations sont chaque fois véhémentes mais partent un peu dans tous les sens.

La langue "normalisée", "unifiée", etc... c'est une question qui m'a captivé et intrigué pendant des années, et que je ne diabolise pas autant que vous. En fait, sous sa forme actuelle élaborée par des linguistes, elle peut rendre des services sur le plan de la pédagogie, mais tous les écrivains qui étaient à une de nos réunions à Toulouse où nous nous interrogions sur nos rapports avec la langue ont convenu que ce n'était pas un outil pour dire le monde et sa réalité, il lui manquait la vie que nous puisons dans l'occitan dialectal. C'est pour cela que les écrivains insistent tant sur l'importnace de cette diversité. Certains occitanistes n'ayant pas cette sensibilité littéraire sont peut-être davantage partisans de la langue standard que j'appelle pour ma part "occitan minimal". Dans l'ensemble, la dialectique entre cet occitan standard et l'occitan dialectal utilisé dans l'écriture est plutôt apaisée, l'un ne menace pas l'autre, ce que nous redoutons c'est qu'un des deux extrêmes (éclatement en confettis non viables ou utilisation exclusive du langage standard qui n'est pas la vraie langue) s'impose exclusivement. Notre manifeste ne dit pas autre chose.

Tout cela ce sont mes commentaires personnels, mais le texte du manifeste se suffit à lui-même est c'est ce texte que nous demandons de signer à tous ceux qui veulent réellement que notre culture vive au XXIe siècle.

Je risque d'être absent de ce forum pendant une dizaine de jours, et ce n'est pas par machiavélisme manipulateur. J'espère que la conciliation l'emportera en mon absence sur l'esprit polémique, et la courtoisie sur l'invective. Il est important d'échanger des arguments, mais les guerres fratricides à l'intérieur de notre culture sont une chose du passé que Philippe Martel étudie minutieusement- et il est très important de l'étudier - au XXIe siècle nous voulons les ranger au vestiaire. Et refermer les plaies du passé. Pour inscrire notre culture dans ce nouveau siècle.