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2011-12-23 11:06

#1: -  

 http://www.lesquotidiennes.com/societe/lavortement-selectif-des-filles-se-propage-en-armenie

L'avortement sélectif des filles se propage en Arménie

Le pourcentage de garçons nés en Arménie a considérablement augmenté ces dernières années dû à l'avortement sélectif des filles dans cette ex-république soviétique du Caucase, a indiqué lundi le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).

Plus de 7.000 Arméniennes ont au recours à un avortement sélectif ces cinq dernières années, selon une nouvelle enquête menée conjointement par FNUAP, le ministère arménien de la Santé et l'Institut de la périnatalogie.

Le ratio en Arménie est de 110-120 garçons pour 100 filles, supérieur à la norme établie de 102-105 garçons pour 100 filles, selon l'enquête.

Cette tendance risque de causer des problèmes démographiques dans ce petit pays du Caucase, a souligné Garik Hayrapetyan, responsable du FNUAP au cours d'une conférence de presse. Dans dix à 20 ans, il manquera des femmes, c'est-à-dire des mères potentielles, a-t-il ajouté.

La mentalité traditionnelle joue un rôle dans ce pays conservateur où un fils est considéré comme héritier et soutien des parents à l'âge avancé, a souligné Razmik Abrakhamian, gynécologue en chef de l'Arménie. L'avortement sélectif est considéré comme un grave problème en Chine et en Inde.

Mais le phénomène a aussi atteint des proportions inquiétantes dans les républiques du Caucase- l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, a indiqué en octobre l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Selon une résolution de l'APCE, les pressions exercées sur les femmes en faveur de l'avortement sélectif devraient être considérées comme une forme de violence psychologique.

Il n’est pas inhabituel pour les femmes arméniennes âgées d’une quarantaine d’années, d’avoir subi des avortements multiples. Selon une étude de 1995 conduite à la clinique d’Erevan où se pratique l’avortement, le nombre moyen d’avortements qu’ont les femmes après 40 ans est de 8. Certaines en ont eu jusqu’à 25 au moment de leur ménopause.

D’un point de vue économique, ce n’est pas surprenant. Cette pratique était à la disposition des femmes gratuitement à l’époque soviétique. Aujourd’hui, elle a un prix relativement modéré, autour de 25 dollars. Cela reste une dépense abordable, du moins par comparaison au coût d’une année de la pilule contraceptive.

L’avortement sélectif a aussi ses motivations socio-économiques. Traditionnellement, quand une fille grandit et se marie, elle quitte la résidence parentale. “Le retour d’investissement, en particulier dans les zones rurales, est faible si vous avez un enfant et si cet enfant est une fille. Un enfant garçon, pour sa part, devra prendre sa femme avec lui dans la maison et prendre soin de ses beaux-parents“, dit Hekimian.

La loi arménienne permet à une femme d’avorter jusqu’à la douzième semaine - période dont la longueur ne permet pas de déterminer le sexe de l’enfant. Ce qui revient à dire que si l’un des déterminants de l’avortement est le sexe du fœtus, ces avortements sont pratiqués illégalement.

D’après Garik Hayrapetyan, l’assistant du représentant arménien au Fond des Nations Unies pour la Population (UNFPA) “les données sur les naissances (en Arménie) montrent que le rapport sexe-à-la-naissance est anormal : 114 garçons pour 100 filles. Il n’y a pas de doute, le problème existe en Arménie“.

La nature elle-même affecte la parité des sexes à la naissance, avec 105 garçons pour 100 filles. Le décalage anormal entre les garçons et les filles est apparu dans les années 1990, parallèlement au développement de l’examen échographique dans le pays.

“Ce n’est pas un secret que l’avortement sélectif est un problème en Arménie, et heureusement, on commence à en parler“, nous a dit Marine Margaryan, travailleuse sociale et coordinatrice de projet du Public Information and Need for Knowledge (PINK Armenia).“ Mais pour la majorité, il n’y a rien à redire quant à l’avortement décidé sur le sexe. C’est l’approche stéréotypée et déformée du rôle que doivent avoir les femmes dans notre société qui pousse à ce déséquilibre“.

Rapports et Mises en Garde

Depuis quelques mois, la question de l’avortement sélectif frappe durement les esprits en Arménie, tandis qu’un certain nombre de rapports mentionnent l’Arménie comme faisant partie des pays où cette pratique atteint des niveaux préoccupants. Selon le Rapport 2011 sur l’Ecart entre les Sexes, rédigé par le Forum Economique Mondial, l’Arménie enregistre le plus mauvais résultat, après la Chine, s’agissant du ratio des sexes à la naissance. La Géorgie et l’Azerbaïdjan voisins dénotent la même tendance.

En octobre 2011, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a voté une résolution condamnant l’avortement sélectif.“Il y a des preuves solides que la sélection prénatale n’est pas limitée à la seule Asie. Au cours des années récentes, une différence par rapport au ratio naturel des sexes à la naissance a été observée dans un certain nombre de pays membres du Conseil de l’Europe et atteint des proportions alarmantes en Albanie, en Arménie, et en Azerbaïdjan“, lit-on dans le texte de la résolution, qui appelle ensuite les trois pays à analyser et surveiller cette évolution, et fournir ensuite leur soutien aux initiatives de sensibilisation.

“Ce n’est pas seulement consternant, c’est aussi très embarrassant pour nous“, a dit- le docteur Gohar Panajyan, conseillère mère et enfant/santé et procréation/planning familial pour le projet HS-STAR de l’US Agency for International Development (USAID). “Nous avons été alertés d’abord par des sources officieuses“, a-elle-dit à Armenian Weekly, “mais nous manquons de données réellement scientifiques confirmant tout ce qui est propagé. A présent, la question se pose avec insistance dans le pays“.

Panajyan pense qu’une stratégie à long-terme doit être adoptée, une solution qui tienne compte des normes sociétales et familiales de l’Arménie, et des aspirations.

Les avortements ont baissé en Arménie, selon l’Armenia’s Demographic and Health Survey (ADHS), Enquête Démographique et Sanitaire en Arménie. En 2010, le ratio des avortements était de 0,8 avortements par femme. Ce nombre était de 1,8 en 2005 et de 2,6 en 2000. A l’inverse, le taux de ratio de fertilité en 2010 était de 1,7 naissances par femme, en dessous du niveau nécessaire pour remplacer la population actuelle (ce nombre devrait être un peu en dessus de 2,0). Par conséquent, le nombre moyen d’avortement que les femmes subiront se situera à près de la moitié des enfants auxquels elles donneront naissance, selon le rapport.

Les diverses méthodes de contraception

Le défi actuel c’est la promotion de solutions alternatives à l’avortement, par l’amélioration de la disponibilité et de l’accessibilité des conseils qui dispensent aux couples les informations récentes de planification familiale. Il se peut que le dialogue ait été rendu compliqué par les décennies de propagande soviétique contre les méthodes contraceptives modernes comme la pilule.

Les préservatifs n’étaient pas produits en quantité suffisante dans l’Union Soviétique, et leur qualité était médiocre. “Le premier groupe de discussion que j’ai réuni en 1995 était sur ce thème. Les femmes disaient que la seule utilité des préservatifs était lorsqu’elles épluchaient les pommes de terre. [Elles les auraient réservés à leur emploi] comme gant de latex dans la cuisine,“ a dit Hekimian. Bien que leur qualité ait été sensiblement améliorée, le condom reste aujourd’hui trop cher pour la plupart des ménages arméniens. Une autre forme de contraception, le stérilet, était produit et utilisé en Union Soviétique, et il est toujours recommandé aujourd’hui.

En 2010, vingt sept pourcent environ des femmes mariées avaient recours à des méthodes modernes de contraception, selon les données de l’ADHS. Le nombre de femmes qui optent pour des méthodes plus traditionnelles est légèrement plus élevé, 28 pour cent à peu près, telles que l’abstinence périodique, le retrait, et les “méthodes fantaisistes“. Bien que l’emploi de toutes formes de contraception ait diminué depuis 2000, le recours aux méthodes modernes s’est accru de 20-22 pour cent à 27 pour cent. En particulier, l’emploi du préservatif s’est accru de 7 pour cent en 2000 et 15 pour cent en 2010.

Sensibilisation

En janvier 2010, l’USAID a lancé en Arménie un projet d’amélioration de la santé de la maternité et de l’enfance connu sous le nom de Nova2. Le projet installait un centre de planification familiale dans 24 établissements hospitaliers dans cinq régions du sud de l’Arménie. Le résultat a été une baisse notable de l’avortement. De même, UNFPA a participé à la création de 75 centres de planification familiale en Arménie, donnant gratuitement des conseils et des contraceptifs modernes au public. Selon Panajyan, le projet HS-STAR de l’USAID en cours crée des pratiques cliniques dont le ministère de la santé arménien fera la promotion, et également du conseil, auprès des professionnels de la santé d’Arménie.

“C’est la première fois que j’entends à tous les niveaux des parties prenantes s’exprimer un intérêt dans les mesures prises et peut-être cela donnera-il un plus aux docteurs qui mettent ces conseils en pratique. C’est ce qui s’est produit au niveau ministériel, ce qui dénote je pense, la qualité du travail“, a dit Hekimian. Le fond de cette affaire réside dans le financement et la mise en application de ces initiatives dans le pays.

“Concernée par le problème, l’UNFPA Arménie a financé une étude pour comprendre les raisons qui se trouvent derrière ce phénomène’ a déclaré Hayrapetyan, ajoutant que les résultats de l’enquête seraient disponibles en décembre 2011.

Une mère de trois enfants, Panajyan, citée dans l'étude,  dit qu’elle avait apprécié sa troisième grossesse. Son plus grand désir, c’était d’avoir un enfant en bonne santé, quel que soit son sexe. ’Le problème en lui-même, l’approche discriminative à la naissance qui fait que chaque enfants n’a pas les mêmes chances à la naissance et de vivre, devrait être pris en compte’, a-t-elle dit. “Je ne dis pas que des lois contraignantes devraient être votées et mises en pratique, mais on devrait faire quelque chose- au moins au niveau sociétal, pour sensibiliser le public à ce problème.’

“Il y a eu un cas tragique récent, dans lequel une famille d’une région reculée - un père, une mère enceinte, et deux filles- se rendaient en voiture à Erevan pour y faire procéder pour la mère à une échographie, afin de déterminer le sexe du fœtus. Comme le père l’a révélé plus tard, ils avaient décidé d’un avortement si c’était une fille. Mais au cours de leur trajet pour Erevan, la famille eut un accident et l’une de leurs filles fut tuée“, racontait Hayrapetyan. Cela a changé complètement leurs vies, et leur approche de l’avortement sélectif.“