Non à la mort programmée des langues vivantes

profession professeur

/ #3 Le soutien du Président de la République à la réforme du collège

2015-05-07 07:54

Tous vos arguments sont excellents et dépassent le cadre des langues vivantes. Il faudrait, en effet, considérer le sort des langues anciennes, celui du français et, plus généralement, celui de l'enseignement secondaire qui commence avec le collège. Ils sont excellents et, malgré tout, le Président de la République soutient sa ministre de l'Education Nationale. Il y a, certes là, une part de "bonne" politique mais tout de même ! D'aucuns envisageront, peut-être, une explication par la "théorie du complot" contre l'esprit de l'école au profit des seules considérations économiques nationales et internationales mais il semble que, pour une bonne part, bien des politiques soient sincèrement d'accord avec une réforme qu'ils considèrent comme un progrès. Il s'agit, selon eux, de briser l'immobilisme, le campement du corporatisme et de mettre fin une fois pour toutes à "la reproduction sociale" - "concept" établi par Pierre Bourdieu et repris hier tel quel par M. Hollande. Allez lutter, avec ça, contre le cours des choses, les avancées sociales et la marche de la démocratie !

Il n'en reste pas moins que nous avons à faire avec une curieuse et dangereuse conception de la démocratie. Qu'est-ce qu'un peuple qui ne bénéficie pas dès l'enfance d'une sérieuse et rigoureuse instruction ? La réforme confond rigueur et rigidité et ne voit pas ce que l'absence de la première engendre comme démoralisation tant chez les élèves que chez les enseignants. Que sont, par ailleurs, des individus à qui l'on ne donne pas, au départ, les moyens qui, par la suite, leur permettront et de s'épanouir par eux-mêmes et d'être indépendants ? L'enseignement n'est pas un simple service public : il est la condition du lien entre liberté personnelle et liberté publique qui sont indissociables. En effet, on ne peut être individuellement et complètement libre dans une société qui ne le serait pas - qui, par exemple, serait entièrement dominée par les passions engendrées par l'ignorance laquelle enferme dans la mécompréhension de soi et des autres, de son pays et des pays étrangers, du passé et du présent, etc. - et une société ne peut être libre si ses membres ne le sont pas. C'est cela, aussi, la civilisation dont l'opposé est désormais bien connu : non pas une autre civilisation mais la barbarie et la sauvagerie qui sont, conjointement, mort du corps (terrorisme) et mort de l'âme (oppression des femmes, destruction des oeuvres d'art, interdiction de la musique, etc.).

L'enjeu est donc plus grand qu'il n'y paraît aux yeux de nos dirigeants. Il est politique au sens exact du terme. Il implique un choix de société qui, en même temps, est le choix du type d'humanité que l'on désire. Un philosophe dirait : que l'on doit établir.

Cette idée peut-elle être entendue ? Nos premières considérations ne sont-elles pas décourageantes ? Nombreux sont, toutefois, nos prédécesseurs qui ont eu maille à partir avec des obstacles bien plus grands encore. L'histoire ne donne pas de leçons mais on peut toujours en tirer. D'autre part, les politiques - si tant est qu'ils méritent ce nom tant soit peu - ne sont pas nos principaux interlocuteurs : le bien public est l'affaire de tous, en principe tout du moins. Telle est sans doute une des raisons majeures pour se mettre en grève le mardi 19 mai.