abolition du cour éthique et culture religieuse

Le Devoir

/ #72 - Attention à la manipulation.

2016-08-21 14:33

 

 

Les  écoles  font  de  bons  incubateurs  à  radicaux

 

 
 

Les  écoles  du  Québec  représentent  un  terreau  fertile  pour  la  radicalisation  d’élèves  en  quête  de  sens.

Entre  20  et  30  jeunes  Québécois  bien éduqués et issus de la classe moyenne ou supérieure, dont la moitié est des femmes, se sont rendus en Syrie pour combattre avec le groupe armé État islamique.

 

La majorité de ces jeunes, et un nombre important d’autres ayant cherché à se rendre en Syrie,  ont  été  manipulés  par  des  « agents  de  radicalisation », qui profitent de la quête identitaire des étudiants pour les amener à prôner la violence.

 

De tels  agents  extérieurs  de  radicalisation, qui agissent « le plus souvent aux frontières de la légalité », ont été à l’oeuvre au Collège de Maisonneuve entre 2013 et 2015, révèle un rapport du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV).

Cette étude détaillée décrit les circonstances ayant mené 11 étudiants du collège à se rendre en Syrie ou à tenter de s’y rendre pour mener la « guerre sainte » contre le régime du dictateur Bachar al-Assad.

 

Les chercheurs du Centre de prévention de la radicalisation ont examiné le cas du Collège de Maisonneuve, mais leurs conclusions valent pour toutes les maisons d’enseignement du Québec selon eux.

Ils affirment que d’autres établissements sont aux prises avec des élèves radicalisés, sans vouloir les nommer.

 

« La radicalisation en milieu scolaire, c’est un enjeu au Québec », dit Benjamin Ducol, responsable de la recherche au CPRMV.

La  radicalisation,  c’est  d’abord  dans  les  écoles  que  ça  se  passe, explique-t-il.

« Il y a très peu de cas d’autoradicalisation. Ça prend toujours une influence extérieure [pour mener à l’islam radical]. »

 

Genèse  d’une  radicalisation

 

Les experts du CPRMV indiquent que le Collège de Maisonneuve a pris les mesures qui s’imposent pour ramener la paix sociale entre ses murs.

La direction a cependant échoué durant deux ans à calmer des tensions qui ont éclaté entre un groupe d’étudiants radicalisés, influencés par un ou des prédicateurs, et le reste de la communauté du collège, révèle le rapport.

 

Le document ne mentionne nulle part le nom du prédicateur  Adil  Charkaoui, qui a eu accès à des locaux au collège avant que l’établissement mette fin à l’entente, au cours des derniers mois.

Le rapport ne fait pas mention non plus de  l’imam  Hamza  Chaoui, que le maire Denis Coderre a dénoncé à cause de ses  idées  extrémistes.

 

Les chercheurs du CPRMV ont établi la genèse de la radicalisation au Collège de Maisonneuve en menant une série d’entrevues avec des élèves qui sont allés en Syrie ou qui ont tenté d’y aller, avec leurs parents, leurs amis, des professeurs et des membres de la direction.

Ils ont aussi interrogé des représentants d’autres maisons d’enseignement, sans nommer lesquelles.

 

Le rapport dresse un  portrait  des  Québécois  tentés  par  l’islam  radical :

ce sont des  jeunes  de  20  ans  et  moins.

Fait à noter, plusieurs couples se convertissent ensemble.

Ces  gens  sont  issus  de  familles  peu  religieuses  et  connaissent  mal  les  religions.

Nés au Québec ou arrivés au pays en bas âge, ils ont été élevés dans des familles de la classe moyenne ou aisée.

 

La  joie  par  le  djihad

 

Ces jeunes ont  « le  goût  de  l’aventure, de  se  sentir  utiles, de  donner  un  sens  à  leur  vie ».

Plusieurs des élèves radicalisés rêvent de devenir médecins ou infirmières, note le document.

Plusieurs disent aller en Syrie pour faire du travail humanitaire.

 

Les djihadistes subissent un choc en débarquant au Moyen-Orient.

Ils découvrent un pays en ruines, sans électricité ni eau courante, où toutes les factions se livrent à des massacres.

Au Québec, des prédicateurs charismatiques les avaient pourtant convaincus qu’ils allaient défendre de  pauvres  musulmans  victimes  de  l’impérialisme  occidental.

 

« Il y avait un prêcheur qui n’arrêtait pas de dire que nous étions des hypocrites de rester là sans rien faire, alors que nos frères et nos soeurs musulmans étaient tués en Syrie. Il ne nous incitait pas directement à partir là-bas, mais c’était comme pour  nous  faire  sentir  coupables  de  ne  rien  faire », raconte un proche de jeunes Québécois partis vers la Syrie, cité dans le rapport.

 

Comme les « gourous d’une secte », ces  prédicateurs  sont  des  maîtres  de  la  manipulation, notent les experts du Centre de prévention de la radicalisation.

Ces  gourous  ciblent  les  jeunes  les  plus  vulnérables, qui  vivent  une  crise  d’identité — l’adolescence est en soi une crise.

Ils donnent à ces jeunes  l’impression  d’appartenir  à  un  groupe et les  incitent  à  rompre  avec  leur  famille  et  leurs  amis.

 

Avant de partir en Syrie, tous  les  jeunes  radicalisés  ont  abandonné  leurs  études.

La seule chose qui compte, c’est le djihad. Se comporter comme de « vrais » musulmans.

 

Les  autres, tous  ceux  qui  continuent  de  vivre  hors  des  préceptes  de  l’islam  radical, deviennent  des  « infidèles »,  des  « mécréants ».

 

Sources  de  frustrations

 

« Dans bien des cas, ces  agents  de  radicalisation ont considérablement  participé  à  attiser  la  colère,

à  “semer  la  haine”,  en  insistant  sur  le  rejet  collectif  des  musulmans  et  de  l’islam 

de  la  part  de  la  société  québécoise, ainsi que sur l’impossibilité pour ces jeunes musulmans

d’affirmer leur identité musulmane au Québec », indique le rapport.

 

Le débat sur la charte des valeurs, mis en avant en 2013 par le gouvernement du Parti québécois, a créé une énorme frustration au sein de la communauté musulmane.

Ce débat est sain en démocratie, mais les musulmans ont été la cible de commentaires déplacés de la part du public, explique-t-on. De plus, « certains débats [autour de la charte] ont été instrumentalisés par des agents de radicalisation », dit Herman Deparice-Okomba, directeur du CPRMV.

 

Autre source de frustrations au Collège de Maisonneuve : la direction a accordé le droit à un groupe d’élèves de prier dans un local qui était inoccupé.

Un autre endroit de méditation, de prière et de rencontres religieuses, appelé la Source, a été toléré dans une cage d’escalier.

Des membres du personnel et des élèves ont été choqués par  ces  entorses  à  la  neutralité  religieuse  d’une  institution  d’enseignement.

Le climat s’est envenimé au collège. L’accès aux locaux de prière a été retiré au début de l’année 2015, quand il a été connu que des élèves du collège s’étaient convertis au djihad.