Manifestupumuntincu

 

 

Manifeste pumuntincu

 

 

 

Pumuntincu, ta graphie fout le camp ! Il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme ; nous sommes en train d’abandonner ce qui constitue le support du parler insulaire du Sud de la Corse et cela dans une grande indifférence ou pire, en capitulant sans combattre pour être conforme à la graphie dominante, c'est-à-dire la graphie cismuntinca.

Cette complaisance ne s’arrête pas là, elle va beaucoup plus loin.

Les dernières décisions politiques «  acceptées par tous  » sont en train d’établir un système féodal pour notre langue se déclinant ainsi : ses seigneurs, les membres du Cunsigliu scientificu, managés par certains universitaires dans l’ombre ; ses soldats, la structure d’exécution et les petits profs zélés ; ses serfs, le peuple, tenus de se conformer et d’exécuter.

Pour ce qui concerne les universitaires, il faut remarquer que ce sont les mêmes qui dirigent, professent, indiquent, conseillent mais aussi écrivent, éditent, vendent, en un mot prennent le pouvoir sur la langue et la confisquent à leur profit !

On crée, comme bonne conscience, une charte de la langue avec des professeurs, des formateurs qui diront le bon corse, la bonne forme, comment apprendre et ce qu’il faut apprendre… Tout cela en affirmant respecter la polynomie micro régionale, du moins en apparence.

Nous assistons ainsi à une prise de contrôle au bénéfice d’un groupe dont les buts linguistiques mais aussi politiques sont évidents ! C’est pour la bonne cause disent ces nouveaux prophètes mais pour nous, ce ne sont que des prophètes de plus ; ils ne prêchent que pour eux-mêmes et les membres de leur secte.

Nous n’en faisons pas partie et nous ne voulons pas en être.

La langue appartient au peuple et doit le demeurer. Et nous voulons conserver notre graphie pumuntinca. Ce n’est plus seulement l’abandon du «  Paci è Saluta  » qui est en cause, nous ne pouvons accepter une graphie qui ne respecte ni notre phonétique ni notre phonologie, ni les tournures de phrases propres à nos microrégions qui seraient ainsi abandonnées ; en quelques mots, notre vision du monde qui disparaîtrait.

Aujourd’hui, il est donc temps de dire NON à l’impérialisme de la graphie Cismuntinca qui s’impose en force du fait de la pression exercée de manière sournoise par les «  capizzoni  » de l’université, soucieux d’imposer une graphie unique et même une nouvelle graphie, (issue d’une réflexion inadéquate, fondée sur la différenciation d’avec le ligure et le toscan alors que l’influence en est multimillénaire), dont ils seraient les idéologues, les ordonnateurs et pourraient ainsi, grâce à cette uniformisation, créer une orthographe ainsi qu’une académie dont ils seront bien sûr les membres et que l’on paiera pour établir le dictionnaire…

En attendant, ils ont créé une école : l’« école cortenaise », qui ne dit pas son nom.

 

Premier but, imposer cette graphie de manière sournoise, en investissant les leviers actuels : traduction des dossiers de l’Assemblée de Corse, articles et publications du CRDP, articles dans les divers médias, reportages télévisés…

Deuxième but, faire adopter cette graphie aux étudiants de toute la Corse poussant les locuteurs à oublier leur parler micro-régional avec tout ce qui fait l’identité, la richesse, la force des traditions et les lexiques spécifiques à leur «  civilisation  » locale.

Troisième but, pousser les personnes pratiquant le pumuntincu à abandonner la graphie de leur parler (et même bien des enseignants du sud de l’île qui sont désormais aux abonnés-absents dans l’expression).

Ad majorem memoriam, que diraient nos anciens : Ghjacumu Biancarelli, Mattèu Ceccaldi, Marcu Ceccarelli, Paulu Mattèu De la Foata, Petru Foata, Ghjaseppu Paganelli, Martinu Sampieri, quiddi di A Spannata è tant’altri…

La réponse à apporter, c’est de se lever pour dire que la graphie pumuntinca doit vivre.

C’est ce que faisait chaque semaine Pierre Ciabrini qui vient de disparaitre et qui nous manque déjà tant…Sa chronique dans Corse-Matin était la bouffée d’oxygène du pumuntincu dans le contexte de soumission actuelle à la graphie cismuntinca.

 

Nous, pumuntinchi du 21ème siècle, nous levons pour dénoncer cet état de fait.

 

Les soussignés :

 

 

considérant que cette situation est intolérable et porte atteinte à la diversité des parlers de Corse,

considérant qu’eux-mêmes, ont le devoir d’intervenir pour éviter la disparition du pumuntincu,

considérant que l’Assemblée de Corse, en adoptant le statut de coofficialité, qui stipule dans son Article 2 : « la langue corse recouvre l’ensemble des parlers de l’île. La CTC veille à la protection de l’unité du corse et au respect de ses différentes variétés conformément au concept de polynomie »… doit respecter ses engagements.

 

déclarons :

- nous jugeons justifié le fait de combattre l’idéologie totalitaire qui tend à imposer le cismuntincu par tous les moyens en notre possession,

- nous nous élevons contre les prétentions ultramontaines d’unification du Corse et lutterons pour conserver nos parlers et notre graphie dans un contexte de liberté individuelle et collective…

- nous demandons à la CTC de mettre en œuvre les moyens nécessaires à la sauvegarde du Pumuntincu à égalité avec le Cismuntincu ; cela à travers une charte en dix points (voir ci-après).

 

 

Charte du Pumuntincu

 

 

1. La diversité linguistique est un héritage qui doit être valorisé et protégé.

2. Le respect de tous les parlers identifiés est fondamental à la construction de la société de demain.

3. Tous les individus apprennent à parler au cœur d’une communauté qui leur donne la vie, la langue, la culture et l’identité.

4. Les différents parlers et les différentes façons de parler ne sont pas seulement des moyens de communication; ce sont aussi le milieu dans lequel les humains grandissent et les cultures sont construites.

5. Chaque communauté linguistique a le droit d’utiliser son parler ancestral comme langue véhiculaire dans son territoire.

6. L’instruction scolaire doit contribuer à améliorer le prestige du parler pour la communauté linguistique du territoire.

7. Il est souhaitable pour les citoyens d’avoir une connaissance générale des différents parlers de l’île, parce que cela favorise l’empathie et l’ouverture intellectuelle, tout en contribuant à la connaissance plus profonde de leur propre langue.

8. La traduction de textes en Pumuntincu représente un élément très important dans le processus nécessaire à une meilleure compréhension et un plus grand respect entre les êtres humains.

9. La Collectivité Territoriale de Corse doit permettre l’égalité de traitement pour les deux grands parlers de l’île.

10. Les médias sont un porte-voix privilégié pour développer et atteindre la diversité linguistique, ainsi que pour augmenter son prestige avec compétence et rigueur.

 

Ce que nous suggérons aujourd’hui est relativement modeste, et nous en sommes conscients, mais il nous faut réfléchir à la fois sur ce que la linguistique révèle de la société, et sur les limites de notre action en tant que scientifiques ou intellectuels sur cette société.

Le diagnostic ne guérit pas, il identifie le problème, et c’est ensuite à la politique de prendre le relais.