Appel : contre la condamnation à mort par l'Arabie Saoudite du poète Ashraf Fayadh

Les magnats du pétrole dans les pays arabes s'intéressent de près à l'art moderne, en tant qu'investissement lucratif. En même temps, en Arabie Saoudite, un poète porteur d'un message d'amour et d'humanité vient d'être condamné à mort. Notre gouvernement préfère détourner le regard, car le profit est plus important que les êtres humains. Et la collaboration avec ce régime réactionnaire continue comme si de rien n'était, malgré la menace terroriste. Nous, les soussignés, lançons un appel pour protester contre cet état de choses.

Dans le monde arabe, Ashraf Fayadh est un de ces poètes pour qui la religion reste une question ouverte sans offrir une réponse toute faite. Ils considèrent que Dieu existe peut-être, tout en restant caché pour de nombreuses personnes. Ceci est littéralement un anathème au pays de notre "allié", l'Arabie Saoudite. Fayadh fut arrêté en janvier 2014. L'accusation était: "insulte à Dieu", à cause d'un recueil de poèmes datant de 2008 et portant le titre Instructions within. Après une condamnation à quatre ans de prison et 800 coups de fouet, la peine de mort a finalement été prononcée contre le poète la semaine dernière.

Péché mortel?

"Je cherche à me consoler de ma situation", dit Fayadh dans son poème La moustache de Frieda Kahlo. "Mais ma situation ne me permet pas de lire sur tes lèvres comme j'aimerais le faire." Une poésie d'amour? Un soupir métaphysique? Une souffrance suite à une discrimination ou une oppression? Un grincement de dents politique? Ces vers peuvent être interprétés de multiples façons mais critiquent-ils pour autant l'Etre suprême?

Fayadh parle de l'état fébrile et de la recherche continuel le de l'homme moderne. "La terre natale : une carte d’identité à mettre dans ton portefeuille", dit- il dans le poème Asile. "Et le retour: une créature mythologique ... née des histoires racontées par ta grand-mère." La maison comme carte d’identité, le retour comme mythe. Car cette image de l'être humain sans domicile a une signification concrète pour Fayadh qui, enfant de réfugiés Palestiniens, est sans nationalité. Certes, depuis sa naissance, il y a 35 ans, il vit en Arabie Saoudite mais il ne possède pas la citoyenneté de ce royaume.

Les migrants venant du Bilad ash-Sham ("le pays du côté gauche") - la région comprenant la Syrie, le Liban, la Jordanie et les régions palestiniennes - sont traités avec mépris et méfiance par l'Arabie Saoudite. Aussi, le pays n'accueille-t-il pas de réfugiés en provenance de Syrie. Ceux-ci seraient coupables d'importer avec eux des idées modernes, selon les chefs religieux conservateurs.

Des confins de l'Arabie jusqu'à la Tate London

Que Fayadh soit un membre éminent du groupe d'artistes Edge of Arabia est également dur à avaler pour les moralisateurs saoudiens. Ces confins de l'Arabie constituent l'extrémité du monde arabe, la limite occidentale de la péninsule arabique située en bordure du Moyen-Orient. Le nom de ce groupe d'artistes évoque un passé riche mais perdu à jamais. Cette région, en apparence un coin perdu, fut à un moment le centre culturel de toute la péninsule. Jusqu'à la découverte de pétrole dans la région.

La ville portuaire de Jeddah était à l'époque la porte vers l'Asie et l'Afrique. De là, les navires partaient pour l'Inde et la Somalie. Ainsi, Jeddah, et toute la côte occidentale, devinrent l'épicentre d'une Arabie multiculturelle, une région dont les horizons portaient loin au-delà d'un islam version dix-huitième siècle.

C'est à cet esprit-là que Fayadh se sent connecté. Un péché mortel? Il le cultive en tant qu'artiste et c'est ainsi qu'il a également trouvé le chemin vers la Tate Gallery de Londres, dont le belge Chris Dercon était le directeur. Ce dernier fut invité par Ashraf Fayadh à une exposition de son cercle d'artistes à Jeddah. Et en 2013, Fayadh était commissaire d'exposition pour un groupe d'artistes saoudiens à la Biennale de Venise.

Ce groupe s'appelait "Rhizoma", inspiré du mot grec signifiant un réseau de racines. La structure non hiérarchique est une métaphore pour le caractère bigarré, non structuré de la société contemporaine. Fayadh a voulu documenter les changements radicaux dans le monde artistique en Arabie Saoudite - un monde qui se heurte de plus en plus violemment aux pouvoirs des émirs. Et c'est précisément ce caractère multicolore que la justice saoudienne entend étouffer avec la peine capitale prononcée contre Fayadh.

 

"Asylum" (from: Instructions Within)  

Asylum: to stand at the end of a queue. To be given a morsel of bread.

To stand!: something your grandfather used to do. Without knowing the reason why.

The morsel?: you. The homeland: a card to put in your wallet.

Money: papers that carry images of Leaders.

The Photo: your substitution pending your return.

And the Return: a mythological creature . from your grandmother's tales.

End of the first lesson.

Appel

Le roi Salman a 30 jours pour accorder la grâce. Le fera-t-il? Il est bien conscient du grand respect que portent les gouvernements et les leaders étrangers à ses pétrodollars en qualifiant cette attitude de "réaliste". Depuis l'accès au pouvoir de Salman, les exécutions - décapitations - sont devenues une pratique presque quotidienne : cette année, déjà 150 personnes ont trouvé la mort de cette façon moyenâgeuse.

Il n'est plus acceptable que notre maison royale, nos gouvernements et nos chefs d'entreprise continuent à faire les yeux doux à ces dictateurs, que notre pays leur livre des armes qui finissent entre les mains de l’EI et d'autres terroristes. Que nous fassions des affaires avec ceux qui financent les prêcheurs de haine ayant instigué les attentats de Paris. Nous devons exiger la libération immédiate d'Ashraf Fayadh et des nombreuses autres personnes qui sont persécutées en Arabie Saoudite à cause de leurs convictions.  

Des PEN-clubs, le Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network et Amnesty International mettent la pression sur l'Arabie Saoudite. Des milliers d'intellectuels arabes exigent la libération de Fayadh et partout dans le monde des milliers de gens se préparent à signer des pétitions, comme celle-ci. Nous lançons un appel au monde culturel belge pour qu’il se joigne à cette action de protestation.

Il ne s'agit pas uniquement de ce poète-ci. Tous ensemble, nous voulons trouver le souffle pour faire entendre que la parole et les pensées doivent être libres. Chez nous aussi. Nous trouvons scandaleux qu'Amnesty International ne soit pas autorisée à organiser une veillée devant l'ambassade de l'Arabie Saoudite, le jeudi 3 décembre. Combien de temps encore avant que chez nous aussi les poètes soient forcés à avaler leurs paroles ?

Premiers signataires

Robrecht Vanderbeeken, boekhandel de Groene Waterman

Lieve Franssen, Red de cultuur!

Han Soete, Solidair

Wouter Hillaert, Hart Boven Hard

Alain Platel, theatermaker

Johan Grimonprez, kunstenaar

Josse De Pauw, acteur/auteur

Saddie Choua, filmmaakster

Jokke Schreurs, muzikant Nicolas Provost, kunstenaar

Joke Van Leeuwen, dichteres

Pascal De Weze, muzikant

Stefan Hertmans, auteur

Heike Langsdorf, dans- en performancekunstenaar

Pjeroo Robjee, dichter

Wouter Deprez, auteur

David Van Reybrouck, auteur

Raven Ruëll, theatermaker

Dirk Tuypens, acteur

Maarten Inghels, dichter

Dominique Willaert, Victoria Deluxe

Marijke Pinoy, actrice

Rachida Aziz, modeontwerpster en activiste

Lebuïn D’Haese, beeldhouwer

Charles Ducal, dichter

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Robrecht Vanderbeeken    Contacter l'auteur de la pétition